J’ai toujours été quelqu’un de sportif avec une hygiène de vie irréprochable. Juste après mes études, j’ai rencontré ma femme. J’étais jeune et un peu complexé par ma peau granuleuse, ayant hérité de cet aspect inesthétique de mon père et de mon grand-père. Pour autant je n’étais pas inquiet. Ma femme m’aimait tel que j’étais. Nous nous sommes mariés, nous avons fondé une famille avec deux beaux enfants et nous avons acheté une petite maison à la campagne. Nous étions très heureux.
Chaque année, nous avions pour habitude de faire contrôler nos grains de beauté, habitant dans une région assez ensoleillée. J’en ai profité un jour pour parler à notre dermatologue de mes « boutons de chair » qui empiraient sur le visage. Ce médecin m’a alors indiqué qu’il s’agissait juste de « tumeurs bégnines », sans danger, purement esthétiques. J’étais rassuré.
Notre petite vie a repris tranquillement jusqu’à l’année 2020. Ma femme me préparait une belle fête d’anniversaire pour mes 40 ans au mois de Mars. Malheureusement, tout a été annulé à cause du premier confinement du COVID… A la sortie cette période d’isolement, j’ai remarqué que j’avais quelques troubles urinaires… Mon épouse m’a convaincu d’aller voir notre médecin généraliste qui m’a prescrit un check-up complet et une échographie. J’étais angoissé et réfractaire à l’idée de faire ces examens mais ma femme a pris les rendez-vous en septembre 2020 et m’a poussé à y aller.
Le jour de l’échographie, le radiologue m’a annoncé que j’avais une énorme masse sur le rein gauche et que je risquais de le perdre … Le ciel m’est tombé sur la tête. En urgence, nous avons réussi à obtenir un rdv en Octobre 2020 avec un urologue chirurgien de renommée sur Montpellier qui m’a fait passer plusieurs examens scan et IRM. L’attente a été terrible.
Le verdit est alors tombé, mes deux reins étaient touchés par des tumeurs : 2 tumeurs à gauche dont une grosse de 9 cm, et 6 petites tumeurs à droite. Mon urologue m’a alors proposé une néphrectomie partielle en urgence pour essayer de sauver mon rein gauche. Des analyses nous permettraient ensuite de connaître la nature et la dangerosité de ces tumeurs. Je me suis rendu compte, durant cette période, combien le terme « patient » n’est pas anodin quand on est malade… Effectivement, le plus difficile à gérer dans la maladie c’est l’attente… Quelle patience il faut avoir ! Il faut vraiment avoir les reins solides ! Je me retrouvais donc à 40 ans : sans fête d’anniversaire mais avec un confinement, un cancer et une opération pour les fêtes de Noël ! J’étais à la fois assommé par ces évènements et rempli d’espoir grâce à l’aide et au professionnalisme de mon urologue. Et j’ai toujours eu un mental de sportif et de guerrier, je ne voulais pas baisser les bras.
L’heure du deuxième confinement a sonné mais heureusement la date de mon opération n’a pas été reportée. Nous sommes donc restés isolés tous les quatre à la maison en attendant l’intervention, à se choyer et se réconforter. Nous avons toujours été honnêtes avec nos deux enfants de 5 et 12 ans, ils connaissaient la vérité sur ma santé. Ils étaient inquiets mais ils m’ont donné beaucoup d’amour et d’encouragement. Deux jours avant mon opération, nous nous sommes même octroyés une belle randonné dans la montagnette aux abords de notre maison pour que mon départ vers l’hôpital reste un moment positif.
Après l’opération, je n’ai pas pu voir ma famille pendant plusieurs jours à cause du COVID, les visites étant interdites. Même si l’intervention a été un succès grâce à mon chirurgien qui a pu sauver mon rein, cette période de séparation a été très difficile et douloureuse pour ma famille et moi-même. Mes enfants voulaient me voir et m’embrasser…
Ma femme se faisait aussi beaucoup de soucis pendant mon absence. Le soir, elle essayait de chercher sur internet la cause de ces tumeurs. C’est une enseignante, elle a toujours besoin de réponses à ses questions ! Elle a alors lu des quantités d’articles de médecine en français et en anglais. Elle a rapidement fait le rapprochement, elle se souvenait que mon papa avait fait un pneumothorax isolé vers la quarantaine et que mon grand-père souffrait d’emphysème à la fin de sa vie ; à cela s’ajoutaient les problèmes cutanés de la famille et mes tumeurs rénales bilatérales. Elle a ensuite envoyé secrètement un mail à mon urologue pour parler de mes antécédents familiaux et du syndrome « Birt Hogg Dubé». Il lui a confirmé par téléphone qu’il pensait fortement à cette maladie depuis le début, mais qu’il fallait me laisser récupérer de l’opération et attendre les résultats de l’anapath pour s’en assurer et m’en parler. En attendant, ma femme a quand même anticipé discrètement et pris plusieurs RDV médicaux, par précaution, pour ne pas perdre de temps dans ma prise en charge : onco-généticien, pneumologue, endocrinologue, dermatologue, gastro-entérologue … Pendant mon absence, elle me préparait une excursion médicale de folie !
Je suis ensuite rentré à la maison, et en Janvier 2021, au rdv post-opératoire avec mon urologue et mon épouse, les résultats de l’anapath indiquaient des carcinomes chromophobes, des tumeurs malignes à faible potentiel métastasique. Mon urologue m’a alors parlé de sa suspicion pour le syndrome « Birt Hogg Dubé ». Il m’a ensuite rassuré et indiqué que mon épouse avait déjà pris tous les rdvs nécessaires pour ma prise en charge. Je ne les remercierai jamais assez pour leur bienveillance. J’ai ensuite bénéficié d’une séance de radiofréquence pour le rein droit. Je suis actuellement en surveillance active pour les petites tumeurs restantes, avec des contrôles tous les 5 mois. Heureusement, l’équipe médicale qui me suit est rassurante. Tous mes autres rendez-vous avec les spécialistes se sont très bien passés, je n’ai aucune autre atteinte. J’ai juste eu quelques petits moments d’hypocondrie ! J’ai donc repris une vie quasi normale et j’apprends à avancer avec cette épée Damoclès au-dessus de la tête. Nous avons en plus bénéficié d’une aide psychologique. Je suis fils unique et mon père aussi. Il n’a pas voulu faire de test ni d’examen de son côté, il exprime un certain déni. De mon côté, j’écoute davantage mon corps et je prends soin de moi. Je remercie le destin. Je suis d’un naturel optimiste, je suis entouré d’amour et je fais confiance à mon équipe médicale.